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La guerre - L'opposition de l'archer et de l'hoplite dans l' "Héraclès furieux" d'Euripide

La guerre - L'opposition de l'archer et de l'hoplite dans l' "Héraclès furieux" d'Euripide

 

Lycos (à Amphitryon et Mégara)

Vous, le père et la femme d’Héraclès, puisque j’en ai le droit, je vais vous interroger. Oui, j’ai le droit, puisque je suis votre maître, de vous poser les questions que je veux. Combien de temps chercherez-vous à prolonger votre vie ? Quel espoir, quel secours apercevez-vous contre la mort ? (Montrant les enfants.) Leur père gît dans l’Hadès : avez-vous foi en son retour ? Allons, est-ce la peine d’outrer à ce point votre douleur dans la nécessité où vous êtes de mourir, tout en colportant par la Grèce ces vaines prétentions, (à Amphitryon) toi d’avoir partagé avec Zeus ta couche conjugale et ta paternité, (à Mégara) toi d’être appelée l’épouse du plus vaillant des hommes ? Quel exploit si imposant a donc accompli ton époux en tuant l’hydre du marais ou la bête de Némée ? Il l’a prise dans ses filets : et il prétend l’avoir étouffée dans ses bras ! Voilà les arguments avec quoi vous luttez ? Voilà donc pourquoi les fils d’Héraclès ne devraient pas mourir ? Il s’est acquis une réputation de bravoure — lui un homme de rien — à lutter contre des bêtes. Mais pour le reste, nullement courageux. Jamais il n’a tenu de bouclier à son bras gauche, ni affronté une lance ; mais portant un arc, la plus lâche des armes, il était toujours prêt à la fuite. Ce qui prouve la bravoure d’un guerrier, ce n’est pas le tir à l’arc, c’est d’attendre, l’œil clair, en regardant bien en face, l’assaut que donne un champ de lances, et de rester à son poste.

Ma conduite ne comporte pas de ressentiment, vieillard, seulement de la prudence. Je sais que j’ai tué Créon, le père de cette femme, et que j’occupe son trône : je ne veux donc pas laisser grandir ces enfants pour qu’ils se vengent et me punissent de ce que j’ai fait.

 

Amphitryon.

(…)

Quant à cette invention toute de génie, l’équipement de l’archer, tu la dénigres ? Écoute-moi bien et instruis-toi. Un hoplite pesamment armé est esclave de ses armes, et quand ses compagnons de rang ne sont pas braves, il périt, lui, par la lâcheté de ses voisins. Brise-t-il sa lance, il ne peut écarter la mort, car il n’a que cette seule défense. Mais celui dont la main est habile à tirer de l’arc avec précision – et l’avantage est unique – après avoir lancé mille traits, en a d’autres pour se garantir de la mort. Se tenant à distance il écarte les ennemis qui voient d’aveugles traits les blesser. Il n’expose pas son corps à ses adversaires ; il est bien en sûreté. Or telle est dans le combat la suprême habileté : faire du mal à l’ennemi tout en préservant son corps et sans dépendre de la fortune. Voilà les raisons que j’oppose à ton opinion, sur ce sujet.

Euripide (~480-406), Héraclès furieux (424 av. J.-C.), traduction Henri Berguin.

 

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